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Agathe Gaillard passe le flambeau

Anaïs Viand


Cʼest au Café Louis-Philippe, dans le centre de Paris, que nous avons rencontré Agathe Gaillard, à quelques pas de sa galerie. Dans les années 1970, cet espace dʼexposition fut le premier dans la capitale à être consacré à la photographie. Accompagnée de Fiona Sanjabi, nouvelle directrice de ce lieu mythique, cette pionnière est revenue avec nous sur son parcours, avant lʼouverture de lʼexposition “Hommage à la beauté” le 22 septembre. Cet article fait partie de notre dernier numéro.


Agathe Gaillard a marqué lʼhistoire de la photographie en créant et en dirigeant la première galerie photo à Paris, fondée en 1975. Un lieu devenu un rendez-vous incontournable pour toute une génération de passionnés de huitième art qui ont pu y découvrir des auteurs aussi renommés que Ralph Gibson, Jean-Philippe Charbonnier, André Kertész, Bill Brandt, Hervé Guibert et beaucoup dʼautres. «Jʼai rencontré plusieurs photographes. Jʼétais admirative de leur intelligence, de leur clairvoyance, et je trouvais quʼil y avait une injustice. Je voulais quʼils soient reconnus comme des êtres qui pouvaient penser» nous confie-t-elle. Enfant, elle savait quʼ;elle vivrait à Paris, mais ne projetait pas de travailler dans la photographie. Cʼest en vendant des cartes postales de chefs-dʼœuvre de la photo quʼelle démarre, sans le savoir, sa carrière de galeriste.

À cette époque, «les photographes sont entrés dans le monde de lʼart dʼune manière très nature: ils sont arrivés tels quʼils étaient, il ne fallait pas se déguiser» se souvient-elle. Elle a alors découvert que le travail de galeriste était proche de celui de scénographe: «Accrocher des photos, cʼest construire une mise en scène.» Et, en tant que médiatrice, elle devait «aménager la rencontre entre le photographe et son public.» Car plus que la galerie, cʼest lʼunivers de la photographie quʼil fallait rendre crédible. Et cʼest en partie grâce à elle et à son travail que les photographes sont aujourdʼhui considérés en France comme des artistes.

Curieuse et passionnée, elle a développé de belles relations avec des artistes aux styles éclectiques. «Je cherchais à ce que les photos mʼapprennent quelque chose sur la vie» précise-t-elle. Une ligne de conduite quʼon retrouve à la lecture de son livre “Mémoires dʼune galerie”, éd. Gallimard, 2013: «Ce qui mʼimporte, à moi, cʼest de proposer de multiples définitions de la photographie, pour quʼà la fin se dégage, peut-être, une idée plus générale. Ce qui me détermine, cʼest lʼenvie de voir la vie avec les yeux des autres, de certains autres qui mʼintriguent. Mon regard, bien que très attentif, ne me suffit pas.»


Une femme qui sʼest battue

«Cʼest une aventure que je suis très heureuse de vivre, et je nʼai pas peur» nous confie Fiona Sanjabi, assise aux côtés dʼAgathe. Même si elle nous révèle par ailleurs quʼelle «mesure la responsabilité que représente la reprise de ce lieu qui a joué un rôle fondamental dans lʼhistoire de la photographie» car Agathe Gaillard est, et restera, une grande dame dans le milieu de la photographie. Fiona Sanjabi, 30 ans, prend la direction de la galerie à la devanture rouge après une formation littéraire et une expérience dans la communication auprès dʼun collectionneur, qui lui permet de travailler avec des artistes. Quant à la photo, elle la découvre grâce à une très bonne amie, à lʼâge de 15 ans. Si elle connaissait déjà la galerie située au 3 rue du Pont-Louis-Philippe, elle rencontre Agathe Gaillard après la lecture de son livre. «Jʼy ai découvert lʼhistoire de la photographie en même temps que lʼhistoire dʼune femme qui sʼest battue.»



Fisheye #26, September / October 2017