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Hiro Matsuoka, qui avait vécu vingt ans au Japon et vingt ans à Cologne, était autant japonais quʼallemand et cela donnait un résultat délicieux. Ses photos étaient faites de reflets, de situations imbriquées les unes dans les autres qui prenaient un sens, même sʼil restait mystérieux. Elles nʼétaient pas gratuites. Là où lʼœil habituellement fait un tri, occulte des éléments pour construire une vision déchiffrable, lui prenait en compte toutes ces informations, ces perceptions qui nous entourent et sʼinsinuent dans notre esprit.
Il avait mesuré soigneusement les murs de la galerie pour prévoir son exposition. Cela ne marche jamais, mais, à ma surprise, cʼétait solide. Il avait établi des rapports si subtils entre ces photos si complexes, si proches de lui, que cʼétait irréfutable. Je ne pouvais que lʼaccepter. Mais un photographe habitué de la galerie me dit quelques jours plus tard, à première vue: “Ce nʼest pas toi qui a fait lʼaccrochage?”
Un accrochage réussi, à mes yeux, cʼest quand il ne se voit pas, quand tout semble disposé sans effort, presquʼau hasard, mais que lʼon ne saurait rien y changer. Quand la fluidité de lʼensemble crée une musique inattendue, mais qui est bien celle du lieu et du moment. Ailleurs, plus tard, ce sera différent. Pour réaliser il fait sʼoublier et être attentif à ce quʼexigent les photos.
— Éditions Gallimard, Témoins de l'art, April 2013
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